Altered carboned : le récit d’une aberration moderne
- Bastien Pascalone
- 14 juin 2020
- 4 min de lecture
Dans un monde pas si futuriste que cela, la vie a été transformée.
Les frontières entre la vie et la mort sont brouillées.
Dans ce monde, il est possible de sauvegarder sa conscience et ses souvenirs dans une pile. Cette pile pourra être réimplantée dans un autre corps désigné enveloppe. Ces dernières sont récupérées, clonées ou crées.
Autrement dit, les souvenirs propres à chaque être humain sont convertis en données dans une sorte de clés usb.
Cette possibilité de réimplantation perpétuelle, réduit la valeur intrinsèque de la vie.
L’autre est perçu comme objet de satisfaction de ses désirs. Il est prié de ne pas les entraver sous peine d’élimination. Assassinats, abus en tout genre et maltraitances sont monnaie courante à Bay City.
C’est dans ce contexte qu’un criminel et rebelle notoire, Takeshi Kovacs, est réenvellopé dans un corps par un riche homme d’affaire. Ce dernier le charge de résoudre le crime dont il suppose avoir été la victime. En échange, Takeshi obtiendra un nouveau corps et de l’argent.
Dans les pas du héros, nous sillonnons ce monde, où ce qui reste des lois établies permet de maintenir un semblant de paix sociale.
La dystopie qui est présenté dans ce Roman n’est pas sans rappeler deux événements auxquels nous sommes actuellement confrontés.
La transformation de notre conception du corps humain
A la suite de découvertes scientifiques majeures, la France a voté la loi dite « loi bioéthique » en 1994.
Cette loi régit la conception légale du corps humain et définit les contours de son exploitation.
Ainsi, le corps humain et ses éléments ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial (article 16-1 et suivant du code civil). De cette interdiction, découle l’interdiction des conventions de mères porteuses ou du clonage.
La prohibition semble logique en raison des dérives dont elle pourrait faire l’objet. Ainsi, si le clonage d’un enfant malade peut être louable du point de vue thérapeutique, il permet de créer un autre être vivant sacrifiable. Une échelle de valeur entre les individus issus de gamètes et ceux clonés est donc réalisé.
Le problème réside dans la différence des législations internationales. Par exemple, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne sont contre toute forme de clonage même à des fins thérapeutiques. Mais les États-Unis ont autorisé depuis 2008 la vente de produits issus d’animaux clonés. (Ex : lait, viande…) Ceci suppose une légalité du clonage.
Or, l’épuisement des ressources naturelles et les intérêts financiers pourraient entraîner un détournement de la loi comme elle a pu être observée avec la Gestation pour autrui.
En effet, la loi française proscrit la gestation pour autrui. Mais des Français se sont déplacés dans les pays dans lesquels elle est autorisée pour la réaliser.
Placées devant le fait accompli (l’enfant né et vivant), les juridictions ont reconnu un lien de filiation entre l’enfant et le père biologique (arrêt Mennesson 2014) puis la possibilité d’adoption entre la mère d’intention et l’enfant (Cour de Cassation 4 Octobre 2019).
Ainsi des parents désirant faire une GPA à l’étranger sont légitimes à la faire même si cette pratique est proscrite en France.
Le même raisonnement pourrait être calqué sur le clonage puisque cette pratique est autorisée aux Etats-Unis. Même si l’importation de produits est réglementée en Europe, objectifs de nutrition de la population pourrait justifier une entrée de ces produits sur le marché européen.
Autrement, des sociétés scandinaves proposent déjà d’implanter des puces à l’intérieur de notre corps afin de « faciliter » notre vie. Des milliers d’Européens ont donc déjà sous leur peau leurs clés et cartes bancaires. La science-fiction devient réalité ! https://www.capital.fr/entreprises-marches/ces-entreprises-qui-implantent-des-puces-electroniques-dans-leurs-salaries-1238294
La mondialisation et les avancées technologiques érodent le droit français de la protection des êtres vivants. Ce glissement insidieux pourrait bien vite nous conduire vers une marchandisation du corps humain et des êtres vivants.
La conversion de caractéristiques humaines immatérielles en données
Avec le confinement, notre utilisation d’internet s’est décuplée. En toute logique, l’exploitation de nos données l’a été également. D’ailleurs une augmentation significative de tentative de hacking des particuliers a été recensée.
Pour Michal Kosinsky, (data scientist dont les recherches ont inspiré Cambridge Analytica) si les données informatiques journalières de la population mondiale était imprimées sur papier, elles représenteraient 4 fois la distance terre-soleil. https://www.youtube.com/watch?v=VUwBcTgzbtU#action=share
Cet « Or noir du XXIème siècle », est compilé dans un but précis. Toutes nos recherches, coordonnées et informations personnelles sont une source de consommation possible. Des individus (principalement dans le tiers-monde) sont payés par des sociétés (ex : Samasource, medic mobile) afin de compiler et recenser nos données afin de nous offrir « la meilleure expérience numérique possible ».
Ne serait-on pas réduit dans un futur à moyen terme à voir nos vies virtuelles réduites sur un disque de données ? La dystopie d’Altered carbon ne serait donc plus imaginaire.
Toutes les informations nous concernant seraient alors plus importantes que notre corps lui-même. Nonobstant, le risque de piratage, la possibilité d’influence sur nos opinions ou nos désirs par des groupes commerciaux ou politiques est inquiétante. En viendra-t-on a nous dire quoi penser comme dans 1984 ?
Toutes ces questions trouvent déjà en partie réponse avec l’exploitation du bien immatériel le plus précieux nous concernant : nos pensées.
L’affaire de Cambridge Analytica, la commercialisation de nos données, et les implantations technologiques au sein de notre corps sont autant de preuve démontrant que la fiction d'Altered Carbon ressemble de plus en plus a une réalité !
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