Germinal d'Émile Zola, un enseignement de la contestation sociale
- Bastien Pascalone
- 15 mars 2020
- 4 min de lecture
Auteur mondialement connu, Émile ZOLA est journaliste de profession. Il naît en 1840. Accumulant les échecs scolaires et professionnels, l’auteur trouve finalement un emploi de commis au sein de la librairie Hachette. Par cette porte, il va faire son entré dans la littérature et le journalisme.
Son œuvre et son travail journalistique sont marqués par une forte implication politique.
La lettre « J’accuse » en est un exemple. Dans celle-ci, il prend la défense d’un jeune colonel juif (Louis Dreyfus) accusé à tort de haute trahison. Par la suite, la société française apprendra que Monsieur Dreyfus devait faire figure de bouc émissaire. L’anecdote illustre bien la trempe de Zola, un homme capable de se dresser en accusateur du gouvernement.
Ce courage hors norme, si peu présent dans la profession journalistique, en a fait un auteur engagé.
C’est avec la même aspiration de dénonciation qu’Émile Zola entreprend d’écrire Germinal. Il poursuit un objectif de retranscription « scientifique » de l’environnement ouvrier.
Ainsi, l’écrivain va visiter des mines, côtoyer des ouvriers, se renseigner sur leurs conditions de travail. Ce travail de recherche fait de Germinal, une documentation scientifique de l’univers minier et ouvrier de la fin du XIX ème siècle.
Le roman relate cet univers si particulier au travers du parcours d’individus et de la famille Maheu. Ces derniers se battent pour survivre aux côtés de la fosse de minage.
Cette fosse est comparée à une bête mécanique se nourrissant d’hommes. Réduits au rang d’animaux, les ouvriers procréent machinalement et perpétuent le cycle.
La prédétermination de ces hommes et femmes pèse tous le long du roman. Ils sont affamés même lorsqu’ils travaillent. Les décès par malnutrition et les accidents dans les mines poussent un homme (Étienne Lantier) à mener ses comparses à la révolte.
Ce dernier convainc les mineurs que leur sort n’est pas irrémédiable et qu’ils peuvent s’opposer aux propriétaires des mines. S’en suivront alors des semaines de grève.
Mais le tableau dépeint par Zola ne décrit pas seulement le prolétariat. Il évoque également l’aisance, le confort de vie et les difficultés de gestion que rencontrent les dirigeants de la mine.
La grève affame toujours plus les hommes. Mais ceux-ci sont déterminés à ne rien lâcher. Poussés par la faim, les ouvriers déclencheront des émeutes réprimées sévèrement par l’armée.
Le roman tire sa force de la description neutre d’une situation. Il porte un message à une époque où la révolution industrielle est en ébullition. Cette course à la production a laissé de côté la décence humaine.
L’œuvre Germinal a donc contribué à l’élaboration de droits sociaux et fondamentaux des êtres humains. Ainsi, le roman constitue un des éléments ayant influencé certaines lois sociales, telles que les congés payés de 1936, la liberté syndicale de 1884 ou le droit à une pension de retraite qui s’est développé dès 1848.
Cette question est au cœur de l’actualité puisque le gouvernement est en train de réformer les régimes de retraite. Le but affiché est de créer un régime unique de retraite.
Plusieurs professions manifestent leur mécontentement. Enseignants, cheminots, personnels hospitaliers, personnels de justice, avocats…
Mais quelle est l’origine de ce pluralisme français ?
Au début du 20 ème siècle, l’État propose des retraites aux salariés les plus pauvres.
Peu à peu, chacune des corporations de salariés va cotiser afin de mettre en place un régime de retraite propre à sa profession. Ainsi, les mineurs créent leur caisse de retraite dès 1894.
Mais après les deux guerres mondiales, l’État va devenir de plus en plus interventionniste en raison du grand nombre de blessé de guerre et d’orphelin. Ainsi, les régimes de retraite privés vont être mis sous tutelle de l’État français. Mais l’État français n’est pas en mesure de financer les régimes spéciaux plus protecteur des corporations.
Par conséquent, le régime général de retraite créé en 1945 laisse subsister des régimes spéciaux plus avantageux.
Concernant les avocats, leur régime spécifique de retraite a été créé en 1948. Il est devenu indépendant dès 1954.
Cette indépendance signifie que le régime s’autofinance. Autrement dit, il n’est pas financé par l’État. Ce sont les cotisations des avocats qui financent leur propre retraite.
Nombre « d’avocats de proximité » évoquaient déjà les lourdes cotisations qui mettaient à mal leur activité.
En passant en force la réforme par le biais de l’article 49-3 de la Constitution de 1958, l’exécutif veut rajouter 14 % de charges sociales.
(L’article 49-3 permet de mettre en jeu la responsabilité du gouvernement au soutien d’un texte qu’il désire promulguer. Si les députés votent contre, la loi est rejetée et le gouvernement est dissous, s’ils soutiennent le texte la composition du gouvernement est maintenu et la loi passe devant le Sénat.)
Ce recours à l’article 49.3 semble être un « forçage », puisque l’assemblée nationale est majoritairement composée de députés LREM qui font front commun avec l’exécutif de la même couleur politique.
L’argument évoqué avec justesse par les avocats déplore un amoindrissement du droit d’accès au justiciable. Expliquons-nous !
Les charges fiscales et sociales assomment d’ores et déjà les petits cabinets. Avec ce projet, 14 % de cotisations supplémentaires interviendraient sur ces structures sans compensation au stade de la retraite.
De telles charges mettraient un grand nombre d’avocats « sur la paille ».
Or, ce sont ces derniers qui sont l’avocat du pauvre et qui prennent l’aide juridictionnelle. Alors les personnes ne disposant pas de moyens, seront moins bien défendues faute de temps. En effet, les avocats de « proximité » seront obligés de courir après les honoraires afin de payer leurs cotisations tout en s’octroyant un salaire décent.
Certes, le travail de l’avocat n’est pas éprouvant physiquement comme celui du mineur. Il n’en demeure pas moins extrêmement stressant et éprouvant psychologiquement.
Dans ces conditions la maltraitance a évolué. Au XXI ème siècle, les droits du travailleur existent. (Grève, maladie…)
Mais les entrepreneurs (parmi lesquels se trouvent les avocats) sont poussés à faire « du chiffre » pour survivre. Certes le fonctionnement de notre beau système à un coût. Mais les micro-entrepreneurs et dirigeant de petites entreprises sont accablés de charges. Ces travailleurs autonomes (dont le nombre est en constante augmentation, ex : uber eat, agent immobilier indépendant…) compensent alors en travaillant beaucoup plus. Ne serait-ce pas la une forme d’esclavage moderne ?
Un esclavage étatique dont la victime ne serait plus le mineur mais l’entrepreneur qu’il soit en col blanc ou en col bleu ?
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