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Faut-il réinstaurer la peine de mort ? La dénonciation de V. Hugo dans Le dernier jour d'un condamné

  • Photo du rédacteur: Bastien Pascalone
    Bastien Pascalone
  • 9 avr. 2020
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 30 sept. 2024

« Les pédophiles méritent la peine de mort. »

On entend régulièrement cette phrase que l’on soit en famille, entre amis ou simplement en société. Cette phrase interroge et soulève les passions.

Pourquoi la peine de mort est-elle interdite en France ? Ne pourrait-on pas l’autoriser pour certains crimes ?

Appuyons cette réflexion sur l’étude du roman le dernier jour d’un condamné de Victor Hugo.

Hugo naît en 1802 au sein d’une famille bourgeoise. Il est écrivain et homme politique. Homme de convictions, ses idées et contestations l’ont amené à être exilé du territoire français.

Ce porte-voix des laissés-pour-compte défend diverses causes. Parmi elles, on compte le fameux « discours de la misère » dans lequel il somme ses confrères députés d’éradiquer « la misère ». Cette pensée politique se reflète également au sein d’écrits avec « Les misérables ». Lequel d’entre nous ignore la représentation de la pathétique Cosette.

Mais le dernier jour d’un condamné traite de la peine de mort. L’auteur entreprend de rédiger le livre après avoir traversé la place de l’hôtel de ville alors que le bourreau graissait la guillotine en prévision d’une exécution prochaine. En 1829, le roman est publié anonymement. Puis en 1832, Victor Hugo signe et décide d’y ajouter une préface dans laquelle il explique sa farouche opposition à la peine de mort.

L’œuvre décrit les derniers mois d’un homme qui se sait condamné à mort par la justice.

Écrit à la première personne, le condamné partage ses angoisses, ses peurs, ses regrets tout en sachant le sort qui lui est réservé. Le recours qu’il exerce est rejeté sans faire l’objet d’un réel examen.

Ainsi, les magistrats, procureurs et auxiliaires de justice exercent la tâche qui leur est dévolue avec banalité. L’huissier et le prêtre accompagnant le condamné évoquent de façon indifférente les événements de Paris. Cet homme semble avoir perdu sa condition, il est une chose dépourvue de sentiments à laquelle on ne prête déjà plus attention.

L’acte semble anodin, comme si cet acte sanguinaire ne méritait pas mûre réflexion.

La beauté de la vie apparaît à celui qui se sait menacé.

Ainsi, cet homme (car il demeure un homme) est confronté à une terrible attente ; il se débat d’une exécution qui est pourtant la seule issue possible. Ce recours apparaît alors l’ultime tentative de sursis à exécution.

Rien n’entrave l’issue fatale, à laquelle le peuple de Paris vient assister avec une ferveur sanguinaire et quasi-religieuse.

En France, plusieurs textes interdisent la peine de mort. Ainsi, le 9 octobre 1981 elle est abolie sous l’impulsion du président Mitterrand et de son Garde des Sceaux Robert Badinter. Depuis le 19 février 2007, l’abolition de la peine de mort est inscrite à l’article 66-1 de la Constitution.

En outre, des textes internationaux l’interdisent. Tel est le cas de la convention européenne des droits de l’homme au sein de son Protocole 6 Article 1. Cette disposition interdisant la peine de mort en temps de paix, a été ratifiée par la France en 1985.

Le protocole 13 du même texte interdisant la peine de mort même en temps de guerre a suivi.

Si ces textes semblent être appliqué par les états membres du Conseil de l’Europe, certains pays (tels que la Russie) ne l’ont toujours pas légalement abolie.

Dans le monde, cette sanction demeure encore trop souvent appliquée malgré la rédaction de certains textes comme le pacte international relatifs aux droits civils et politiques.

Pour la France, la question semble donc tranchée au premier abord.

Néanmoins, selon un sondage réalisé en 2018, 48 % des Français seraient favorables au rétablissement de la peine de mort. https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sondage-une-societe-marquee-par-les-attentats_1975262.html

Actuellement, 11 Français sont condamné à mort par l’Irak pour avoir adhéré à l’Etat islamique et participé à des actes terroristes.

Les personnes soutenant le rétablissement de la peine évoquent une peine dissuasive, un châtiment proportionné au crime (œil pour œil) et gestion économique plus simple des autres prisonniers.

Il ne s’agit pas ici de discuter de la gravité des faits. D’ailleurs, Hugo ne mentionne pas les circonstances et le crime commis.

Bien entendu, des faits de pédophilies, de terrorismes ou de meurtres ne peuvent pas rester impunis. La société l’exige. Reste à savoir si la peine de mort est une sanction appropriée.

Concernant la proportion du châtiment, les personnes en faveur de cette peine évoquent le soulagement des victimes directes et indirectes à voir le criminel ainsi puni.

En quoi la souffrance de l’un permet à l’autre de guérir de sa propre souffrance ?

Si je me suis fait écraser le pied, je n’éprouverai aucun soulagement à écraser le pied de mon voisin. Il éprouvera également de la douleur, mais cela ne m’apaisera pas.

Ainsi, condamner à mort un homme qui a fait du tort à un autre, n’effacera en rien l’acte qu’il a commis.

De même, les soutiens de la peine de mort évoquent la dissuasion des potentiels criminels par la peur de la sanction. Mais comme l’affirmait Robert Badinter dans son célèbre discours à l’Assemblée nationale du 17 septembre 1981 : « Dans la foule qui criait, A mort Buffet, A mort Bontems se trouvait un jeune homme qui s’appelait Patrick Henry. »

Peut-on penser raisonnablement que la peine de mort à un effet dissuasif alors qu’un criminel en puissance se trouvait dans la foule qui réclamait la mort de deux autres criminels ?

J’en veux également pour exemple certains États des Etats-Unis pratiquant la peine de mort. Alors que la majorité des États l’ont aboli, le nombre de condamnés à mort n’a cessé d’augmenter depuis 40 ans.

Enfin certains évoquent une facilité de gestion des pénitenciers par l’application de la peine de mort. Ainsi, la pratique permettrait de libérer de l’espace pour d’autres prisonniers et serait moins coûteuse que d’emprisonner à vie.

Pourtant, ce criminel demeure un élément de la société malgré son acte. Il ne peut être réduit au rang d’individus dérangeant dont il faut absolument se débarrasser afin de faire de la place. Cet homme est avant tout un produit de la société, il a été façonné par elle et celle-ci se doit de veiller à ce qu’il effectue sa peine. Le tuer reviendrait à s’en débarrasser alors qu’elle est également responsable de l’acte commis.

Alors comment comparer la vie d’un homme à des considérations économiques ?

Autant admettre des soins privilégiés à certains en raison en fonction de leurs moyens financiers.

Enfin et surtout, la justice demeure une justice humaine !

Dès lors, elle est faillible. Alors que faire de l’homme condamné à mort à tort ? Celui qui a été exécuté alors qu’il était innocent ? Que dire à ses proches ? Les erreurs judiciaires existent ! Lorsqu’une telle sanction intervient, elle est encore moins compensables que les années de prison.

Dans son roman, Hugo nous rappelle la qualité d’humain qui habite chacun de nous. Cette qualité ne peut nous être arrachée par nos actes, même s’ils sont criminels. Nous demeurons humains. Des hommes tels que Camus, Briand, Jaurès ont aussi défendu l’abolitionnisme ! Si de tels esprits ont pu construire ce raisonnement pourquoi s'y opposer. De l’autre côté, des États comme la Chine, la Corée du Nord ou l’Iran pratiquent la peine de mort. Nous connaissons tous les dérives autoritaristes de tels régimes. Voulons-nous leur ressembler ?

Alors rappelons-nous ce qu’Hugo écrivait « La peine de mort est la signe spécial et éternel de la barbarie »

 
 
 

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