Le Prince de Nicolas Machiavel : L'art impossible de gouverner.
- Bastien Pascalone
- 6 déc. 2019
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 févr. 2020
Le Prince est une œuvre de Nicolas Machiavel parue en 1553 ayant pour objectif de conseiller le futur gouverneur de Florence. A cette époque, la ville est une principauté. Le livre s’adresse donc à un éventuel prince.
Nicolas Machiavel naît en 1469 et meurt en 1527.
En 1498, il est nommé secrétaire de la chancellerie. Ce poste lui permet entre autres de gérer les possessions ou les affaires étrangères de Florence.
Il est l’homme de l’ombre, aussi discret que crucial pour la diplomatie.
A cette occasion, il décrypte les coulisses de l’exercice du pouvoir et acquiert une connaissance parfaite des comportements nécessaires à adopter pour un prince.
Mais le retour des Médicis au pouvoir, signe son exclusion et son bannissement. Lors de cette période, Machiavel entreprend d’écrire Le Prince.
Par ce récit le penseur tente de retrouver sa place en politique, notamment en la dédicaçant à Laurent II de Médicis.
L’œuvre part d’un postulat :
« L’homme est cynique, orgueilleux, passionné, ambitieux et cruel. »
Machiavel en déduit que le prince doit arriver et se maintenir au pouvoir par adresse et force. A cette fin, il doit utiliser alternativement les qualités du lion et du renard. Le lion fait preuve de force tandis que le renard est rusé.
L’adjectif machiavélique (qui se dit d’un être rusé et malveillant) semble pourtant être un abus de langage. En effet, loin de considérer que le prince doit être « méchant », l’auteur conseille d’agir stratégiquement en se dépouillant de toute question d’ordre moral.
Cette pensée marque une rupture avec la morale judéo-chrétienne qui défendait l’idée d’une gouvernance magnanime par un homme de valeur. Ici, tous les moyens sont bons pour parvenir et se maintenir au pouvoir.
Par exemple, le prince doit se faire aimer du peuple car celui-ci a les moyens de le renverser. Mais dans le même temps, il doit inspirer la crainte, car l’amour est changeant alors que la crainte (pour sa vie ou ses biens) demeure. Cette schizophrénie rend la tâche de gouvernance difficile.
Le prince ne doit ainsi dépendre que de lui-même, gâter ceux dont il a besoin, châtier lorsque cela est nécessaire et ruser si cela lui permet de favoriser ses intérêts.
L’œuvre manifeste les prémices de la communication politique.
Aujourd'hui encore, cette pensée est utilisée par nos gouvernants.
La nécessité de se faire aimer du peuple se traduit notamment par la promotion gouvernementale de certaines mesures censées favoriser le citoyen. Il est possible de citer la récente suppression de la taxe d’habitation. https://www.economie.gouv.fr/suppression-taxe-habitation-gain-contribuables
Si cette mesure peut séduire le citoyen à court terme, c’est la collectivité qui est atteinte par la suppression. Nous pourrions dire que cette réforme permet au gouvernement de "ruser" et de séduire le peuple (suppression d’une contribution publique locale) tout en ne sacrifiant pas un impôt qui va dans les caisses nationales du trésor public.
L’Etat assure qu’il remboursera le manque à gagner des collectivités.
Mais jusqu’à preuve du contraire (versement effectif de l’état), les maires et collectivités supporteront la suppression sans avoir les moyens de contester une mesure bienvenue par les citoyens.
Autrement dit, le gouvernement utilise la technique du « diviser pour mieux régner ».
L’observation ne s’arrête pas à cet exemple.
Récemment le débat sur l’immigration a été remis sur le devant de la scène par le gouvernement. En ne nous arrêtant pas aux positions qui peuvent être soutenues, demandons-nous pourquoi un tel débat est entretenu. https://www.courrierinternational.com/article/vu-de-letranger-les-quotas-dimmigration-sarkozy-en-revait-macron-la-fait
Dans le contexte actuel le président est acculé de toute part (questions des retraites, gilets jaunes …). Une division sur des aspects communautaristes apparaît bien opportune.
En effet, quelle question apparaît plus clivante que l’éternel débat sur les questions migratoires ?
Burkini, Hijab, Burka... les thèmes d'ordres religieux et migratoires sont récurrents. Ceux qui veulent accueillir « l’étranger » et ceux qui veulent le renvoyer sont inconciliables.
Sur ce constat, notons que la dernière loi en matière d’immigration date du 10 septembre 2018 avec le texte dit « asile et immigration ». Autrement dit, un laps de temps d’un an s’est écoulé avant que le sujet brûlant soit remis sur le devant de la scène.
Est-il nécessaire de modifier la législation en si peu de temps ?
De deux choses l’une : soit le travail législatif a été élaboré de façon inefficace en 2018, soit l’exécutif y voit une opportunité de diviser la population.
Selon nous, la question est d’ordre stratégique. En divisant la population sur de telles questions, le gouvernement espère peut-être sortir la tête de l’eau à la faveur du désordre.
Les deux exemples précédents illustrent bien que le gouvernement fait appel aux qualités de ruse du renard décrites par Machiavel. Il lui arrive également de faire appel à la force du Lion notamment en encadrant plus strictement le droit de manifester.
En définitive, Machiavel expose son idée force par la maxime "la fin justifie les moyens".
Le gouvernement semble avoir tiré les leçons de cet enseignement en utilisant la cacophonie du débat public à ses propres fins.
Reste à déterminer jusqu’à quel point la fin justifie-t-elle les moyens ?
Commentaires