Le Procès de Franz Kafka : Un message contre une justice arbitraire !
- Bastien Pascalone
- 31 oct. 2019
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 févr. 2020

Comme le symbolise l'image de la couverture, le roman retrace le parcours solitaire d'un individu face à l'immensité d'un système juridique bureaucratique.
Mais avant de discuter du livre, parlons du contexte qui a pu pousser son auteur à le rédiger.
Franz Kafka, naît le 3 juillet 1883 à Prague au sein d'une famille juive. Après avoir obtenu son baccalauréat, il étudie le droit. En 1906, il obtient son doctorat et effectue un stage d'un an au sein du tribunal de Prague.
L'auteur est donc familier des tribunaux et de leurs abords. C'est ce qui explique certainement son choix d'écrire un roman sur la Justice et son fonctionnement.
Le livre décrit le parcours Monsieur K..., ( qui n'est pas censé rappeler le nom Kafka) poursuivi par des policiers et fonctionnaires de justice pour une infraction dont il ne sait rien.
En effet, celle-ci ne lui est même pas précisée lors de son arrestation.
Seule son arrestation est signifiée par deux policiers, s'introduisant dans son domicile au petit matin. L'absurdité de la scène est la plus totale, puisque l’arrestation n’entraîne aucune contrainte physique que ce soit par incarcération ou surveillance.
Monsieur K... demeure libre, mais devra se présenter à certaines auditions afin de répondre à des questions sur un sujet qu'il ne connait pas .
Le protagoniste cherche donc à se défendre prenant un avocat ou essayant de nouer des liens avec des personnages censés influer sur son affaire. Malgré tous les efforts déployés, cette procédure entraînera la perte de Monsieur K... qui sera assassiné sans explication par deux exécutants.
Forcé de constater que Monsieur K ... a été exécuté alors qu'aucune information relative à son affaire ne lui avait été communiquée. Aujourd'hui, le droit à l'information de la procédure diligentée à l'encontre d'un mis en cause semble aller de soi.
Néanmoins, il n'en a pas toujours été le cas. Ainsi les travaux de Cesare Beccaria,
( notamment au travers du Traité des délits et des peines ) ont pu permettre d'établir que l'Etat n'avait aucune légitimité à punir de façon arbitraire. En effet, l'entité étatique se doit de respecter des règles afin de ne pas basculer dans l'arbitraire et le totalitarisme.
En ce sens, l'accès à information du délit poursuivi doit être fourni au mis en cause. Il en va de même pour les pièces de la procédure lui permettant de préparer sa défense.
A défaut, les fonctionnaires de l'état seraient libres de condamner quiconque sans avoir à justifier de rien.
Le livre décrit également l'angoisse de Monsieur K... , en l'absence de connaissance des raisons de sa poursuite. Le Procès permet donc bien d'imaginer l'état de torpeur dans lequel peut-être plongé l'individu dans une situation similaire.
La thématique choisie par Kafka apparaît donc toujours d 'actualité ! En effet, la recherche d'équilibre entre les droits de l'individu et les contraintes nécessaires pour le respect de l'ordre public est sans cesse en balance.
Certains ont critiqué récemment l'action des policiers à l'encontre des manifestants gilets jaunes.
Ces derniers évoquent un usage de la force excessif et injustifié. Des manifestants auraient été victimes de tirs de flash-ball (lanceur de balles défensives) alors qu'aucune infraction ne pouvait leur être reprochée. Le trouble à l'ordre public qu'auraient causé les manifestants ne relève que de l'appréciation des policiers. Or, rien ne permet d'attester à 100 % que ces troubles ont été réalisés. https://www.lemonde.fr/police-justice/video/2019/10/17/gilets-jaunes-comment-un-policier-a-tire-au-lbd-40-dans-la-tete-d-un-manifestant_6015828_1653578.html
Pour sa part, Monsieur K... en arrive à être exécuté de façon abrupte par deux individus se présentant à l'improviste chez lui.
Même si cela est caricatural, le roman dépeint bien ce que pourrait être une société dans laquelle le respect de l'intégrité de la personne est bafoué par l'autorité publique.
En outre, jusqu'au 9 février 2019 des manifestants pouvaient se voir infliger une amende lorsque leurs visages étaient dissimulés. Pourtant, jusqu’à cette date, l'acte ne pouvait entraîner qu'une contravention. Aucune contrainte de corps, comme la garde à vue ne pouvait être décidée.
Le législateur a donc modifié la loi et a érigé le comportement en délit. Dorénavant, ceux qui manifestent le visage dissimulé dans une manifestation " au cours de laquelle des troubles risquent d’être commis " et " sans motif légitime" peuvent être placés en garde à vue .
Qu'en est-il des manifestants pacifiques qui s'habillent d'un masque de type " casa de papel ou anonymous" ? Sont-ils forcément dangereux pour l'ordre public ?
Il est possible qu'un individu masqué manifeste pacifiquement dans un cortège qui risque de déborder. Va-t il être placé en garde à vue ?
L'appréciation reviendra aux policiers en charge d'encadrer la manifestation. Comme Monsieur K..., ces manifestants risquent de subir une privation de liberté sur la seule décision des Officiers de Police judiciaire.
Serait-ce un glissement délicat vers une justice moins protectrice des droits fondamentaux ?
Ce constat qui nous semble être la logique d'une politique sécuritaire de ces dernières années, nous amène à rappeler que la procédure en matière de droit pénal est le rempart nécessaire à la préservation des droits de l'individu dans un état de droit.
Le Procès est donc (malgré sa parution en 1925 ) une piqûre de rappel décalée et outrancière qui présente les dangers d'une société robotisée et déshumanisée.
Be ware !!!
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